La terre et moi, c’est une histoire qui a commencé tôt. À l’âge de 7 ans, je voulais être potière au grand dam de certaines vieilles tantes qui ne voyaient pas là un métier d’avenir respectable et lucratif. En un sens, elles n’avaient pas tort. J’ai pratiqué la peinture et le dessin, la sculpture, le modelage, la gravure… Large éventail de savoir-faire, accumulation de techniques, boulimie d’expériences qui m’ont amenée à faire les Beaux-Arts à Perpignan.
J’y ai fait un peu de terre, considérée comme de l’artisanat, outil, mais pas une fin en soi. Notre professeur d’atelier était un technicien et non un artiste, et savait répondre à toutes nos contraintes, exigences, méconnaissances de la matière qui nous faisait délirer sur des projets hors de notre portée de novice. J’ai travaillé la terre en parallèle de mon projet de diplôme. J’y ai appris beaucoup de chose. Sans en être vraiment consciente, la terre s’était imposée à moi. Quitter les Beaux-Arts a été une gageure qui m’a propulsé hors du cocon idéalisé de la vie d’artiste… pour le monde très réaliste du travail. Plus d’ateliers, plus d’émulation stimulante. Il a donc fallu trouver un travail rémunérateur. J’ai continué la céramique tout en exerçant le métier de décoratrice chez Habitat. D’abord à Antibes, puis à Toulouse.
J’ai continué à prendre des cours à l’espace Croix Baragnon, puis à la MJC du pont des demoiselles. Très vite, j’ai pris certaines décisions vis-à-vis de mon travail, ne pas s’éparpiller, creuser une voie, tracer son chemin. Il est tellement facile d’avoir envie de tout et j’ai opté pour l’objet (pour la forme), l’empreinte (pour le décor)et le raku (pour la cuisson). Déjà bien assez pour une seule vie ! J’ai construit (avec une aide précieuse) mon four à raku et mes expérimentations se sont succédées.
À présent, j’ai quitté mon emploi et je consacre mon temps à la céramique. J’ai suivi des formations à l’école d’art de Douai (oui, je sais, quand on habite Toulouse, ce n’est pas la porte à côté, mais ça valait le déplacement). Un stage d’animateur terre, pour me former à la transmission pour les adultes et les enfants. Et un stage d’étude de forme avec Virginie Besengez, qui fut magistral, techniquement et humainement. J’ai aussi fait un stage de plâtre à usage céramique pour apprendre la fabrication de moules avec Céline Turpin à l’école des Arts céramiques de Tours. Mon travail de la terre s’enrichit donc au fil des rencontres et des expériences. Il faut s’approprier des techniques, adopter ou non des points de vue différents, ce qui oblige à repenser son travail et à évoluer sans se perdre.
Chaque fois que je prends un nouveau morceau de terre, je tente une nouvelle expérience, basée sur les précédentes, où les variations sont parfois infimes, mais significatives. De l’extérieur pourtant, mon travail peut sembler parfois redondant et peu enclin au changement, ce n’est qu’une impression, je dirais plutôt qu’il est cohérent. Ce qui me porte, c’est l’envie d’aller voir plus loin si j’y suis…
Toulouse, le 15 janvier 2016